Connaissez-vous les maisons de naissance?

Interview d'une sage-femme suisse

Ursina Arnold, est-il vrai qu’un grand nombre de jeunes femmes ignorent qu’il existe des maisons de naissance?

Oui, c’est exact. Les femmes qui ne sont pas enceintes, bien entendu, sont peu intéressées par le thème des différents lieux d’accouchement. L’intérêt est réveillé au moment où un test de grossesse se révèle positif… Les femmes s’adressent alors à leur gynécologue, ou recherchent une alternative. L’un des objectifs de ce magazine est d’attirer à temps l’attention des femmes sur le fait que les soins d’une sage-femme commencent pendant la grossesse déjà et se terminent huit semaines après la naissance.

Si vous deviez, à l’aide de trois arguments, convaincre une femme d’opter pour un accouchement en maison de naissance, lesquels choisiriez-vous?

Mon premier argument serait clairement le maintien de la santé de la mère et de l’enfant sans médication inutile. Deuxièmement, la grossesse, la naissance et le post-partum sont chez nous une suite naturelle et dynamique de soins, plutôt que trois événements isolés gérés par un personnel changeant. Et troisièmement, nous attachons une grande importance à une atmosphère familiale et chaleureuse et au respect de la mère et de l’enfant pendant le processus naturel de la naissance.

Quelles sont les différences entre la maison de naissance et l’hôpital?

Du début de la grossesse jusqu’à environ huit semaines après la naissance, nous offrons des soins individualisés. Vu que nous accompagnons la femme pendant cette longue période, une certaine intimité s’établit. Ceci nous permet de mieux soutenir les futures mères durant l’accouchement et de les accompagner sur leur propre chemin. De plus, nous connaissons leurs ressources et leurs souhaits. Il est primordial pour nous que la femme puisse accoucher dans un climat serein dans lequel le déroulement naturel est respecté et soutenu. Nous laissons à la femme et à l’enfant le temps dont ils ont besoin et nous respectons leur rythme. En ce qui concerne l’accouchement proprement dit, les femmes éprouvent chez nous un sentiment particulier de calme et de sécurité. Cela vaut pour toute la famille: mère, père et enfant avant tout. On oublie souvent qu’un nouveau-né est confronté à de multiples changements et bouleversements lors de son adaptation à une vie autonome. Chez nous, chaque enfant reçoit le temps et le soutien dont il a besoin.

Parfois les femmes ont peur d’être un peu «perdues» en cas de complications lors d’un accouchement à la maison de naissance ou chez elles…

La sécurité est un thème important. J’aimerais souligner ici qu’il n’existe pas plus de risques lors d’un accouchement hors de l’hôpital. Vu que nous connaissons mère et enfant pendant la grossesse déjà, nous savons s’il s’agit d’une grossesse présentant des complications et nous pouvons déjà prendre des mesures adéquates avant la naissance. Pendant l’accouchement, nous ne dispensons pas de médicaments. Ainsi les signaux de la mère et de l’enfant sont authentiques. Si nous observons des signes de pathologie, le transfert à l’hôpital peut être nécessaire. Pour les sages-femmes, le bien-être et la santé de la mère et de l’enfant sont prioritaires. Ce sont souvent les hommes qui exigent «plus de sécurité à l’hôpital», parce qu’ils se sentent démunis pendant l’accouchement. La grande foi en la technologie médicale est pour eux une sorte de «garantie».

Est-ce que l’IGGH-CH défend des valeurs particulières?

Oui, chaque naissance est un évènement naturel et unique dans la sphère intime d’une famille. Le plus important pour nous est la grande confiance que nous accordons à la mère et à l’enfant pour que la naissance se déroule naturellement. Pour nous, la grossesse et la naissance sans complication font encore aujourd’hui partie de notre culture et de notre philosophie, dans laquelle les sages-femmes sont reconnues et estimées comme compétentes.

Et quel est le point essentiel pour les femmes qui accouchent dans une maison de naissance?

Nos valeurs et l’ambiance à la maison de naissance qui correspondent à ce qu’elles recherchent. De plus, elles croient profondément en leurs propres capacités et en celles de leur enfant à venir au monde avec leur sage-femme pour unique soutien.

Quel est l’élément le plus beau dans le quotidien d’une sagefemme?

L’accueil chaleureux des familles – chaque famille est différente. Comme sage-femme je suis pratiquement nomade: je voyage de maison en maison. Sur le plan humain, mon travail est à la fois très exigeant et enrichissant. Je dois être capable d’appréhender rapidement chaque situation: quelle est la situation de la mère? Dispose-t-elle du soutien total de son mari et de sa famille, ou s’agit-il d’une migrante solitaire qui doit franchir ce grand pas toute seule? Je veux et je dois prendre en charge ces différences. Récemment, j’ai fait une expérience touchante: j’ai assisté une femme qui accouchait chez elle. Toute la famille, enfants inclus, m’attendait déjà. Le frère était très heureux de me voir arriver. Il m’a aidée à défaire mes bagages et il était tout excité. Lorsque l’enfant est né, il a pu couper le cordon ombilical. Il était tellement fier!

Pouvez-vous, pour terminer, nous dévoiler comment se présente le quotidien des clients de la maison de naissance?

Les jours suivants l’accouchement sont la «lune de miel» pour les parents et l’enfant. La journée commence avec un agréable petit déjeuner, servi en fonction des phases de sommeil du nouveau- né. Puis nous nous occupons de la mère: nous contrôlons son état de santé. Ensuite nous faisons les contrôles du nouveau-né : nous le pesons, faisons les soins du nombril et donnons des conseils pour l’allaitement. Nous discutons en détail de la nouvelle situation et de ce qui va suivre. À midi, nous proposons un bon repas, suivi d’une bonne sieste. Le père peut bien sûr toujours participer. Le soir, souvent les femmes se réunissent ou reçoivent des visites. Pour nous, il est important que tout stress et toute pression restent en dehors de la maison de naissance. Les mères doivent pouvoir profiter pleinement de ces premiers jours avec leur enfant. Chaque femme reçoit un traitement selon ses souhaits et oui, nous la gâtons!

Ursina Arnold est déléguée de l’Association Suisse des Maisons de Naissance, (IGGH-CH), sage-femme indépendante et active à la maison de naissance Artemis à Steinach SG.
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