Le sommeil de l’enfant inconsolable

Le nourrisson assoupit nous émeut toujours. Le regarder si paisible attendrit les parents, mais certains d’entre eux ressentent plus de soulagement à le voir dormir, tant la lutte contre le sommeil aura été difficilement gagnée.

Le bébé est une personne ; c’est un être social par essence. C’est tout au long de sa journée qu’il tente d’appréhender le monde qui l’entoure. Inlassablement, il va répéter les mêmes gestes jusqu’à comprendre le phénomène de cause à effet, tant avec son environnement qu’avec les personnes qui le sollicitent. Du plaisir à la frustration il n’y a qu’un pas. Et plus il avance en âge et plus il en paye le prix. Justement. Pour s’endormir, le bébé a besoin de se laisser aller. Il a besoin de détourner cette attention et cette énergie qu’il porte au monde pour pouvoir se rassembler sur lui-même. En début de vie, les parents usent, de façon plus ou moins inconsciente, des souvenirs intra-utérins qui habitent encore l’enfant pour l’endormir dans les meilleures conditions possibles. Ainsi, il n’est pas rare dans les premières semaines que l’enfant s’endorme au sein ou au biberon, retrouvant la chaleur maternelle qui, en nourrissant son enfant, lui transporte l’amour qui coule en elle pour lui. Il n’est pas rare non plus, que le père porte et balance rythmiquement son enfant dans la pénombre de sa chambre jusqu’à ce qu’il soit rassuré par l’odeur et le rythme, les mains ouvertes et confiantes. L’enfant va du connu vers l’inconnu et porte déjà en lui une sécurité de base dont il s’appuiera pendant longtemps.

Cependant l’enfant qui grandit doit également affronter sa capacité à rester seul. Les habitudes d’endormissement se doivent de changer mais l’enfant a toujours besoin de traverser les paliers de désinvestissement de son environnement dans le plaisir et la confiance. Afin de se construire en tant que personne unique, l’enfant a besoin de se détacher de la fusion maternelle. Pour cela, il a été démontré que plus le rythme de la journée est délimité et plus l’enfant assimile les horaires correspondant aux jeux, aux siestes et aux repas. C’est grâce à cette rigoureuse organisation que l’enfant apprend à s’endormir seul. Du connu… vers l’inconnu.

Seulement voilà, certains bébés ont des caractères ou des contraintes organiques qui les rendent, il faut bien se le dire, insupportables. Ce sont des enfants toniques, avec de grands moments d’agitation et de courtes périodes de repos. Ces bébés pleurent beaucoup, pour ne pas dire tout le temps, ce qui est difficilement tolérable physiquement et psychiquement pour les parents. Le seul remède contre la bataille du sommeil reste les tours de périphériques, et les bercements assez violents qui marquent l’épuisement du parent et le sentiment intolérable pour l’enfant qui est de ne pas se sentir compris.

Dans ces moments de solitude partagée, la meilleure façon pour les parents et pour l’enfant de s’en sortir, c’est de mettre de la distance, en posant dans son lit ce futur dormeur. Il s’agit d’apporter à l’enfant du plaisir pour pouvoir affronter ensuite les coulisses de la séparation. La voix va prendre le relais du balancier afin de partir d’une sensation de plaisir, de la perception connue, vers d’autres horizons. Bien sûr, l’effet ne sera pas immédiat, car l’autonomisation du bébé n’est pas une courte affaire. Mais ceci permettra, à long terme, de contribuer à l’humanisation de l’enfant en lui apportant une sécurité de base solide pour son avenir.

écrit par Muriel Tahar, Psychologue de la Clinique et du Développement, www.mapsychologie.com
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